(…) MARTINEZ ZOGO AURAIT DU SE TAIRE (…) CE QUI A PRIS SA VIE DANS UN JEU TEL CELUI LA VA PLUS LOIN QU’UN AMOUGOU BELINGA… »
Amougou Belinga, je ne le connais pas. Je ne l’ai jamais croisé. Peut-être même que, jamais, ça n’arrivera, tant nos parcours sont différents et contrastés. Deux fois, sa télévision Vision 4 m’a invité pour un débat dans l’un de ses programmes. J’ai toujours décliné à cause d’une inadéquation de calendrier.
J’en ai donc entendu parler, comme la plupart de vous, par ces récits parfois sulfureux qui vous en confèrent un contour. Il ne fait pas dans la politique. Ne semble pas être un homme public. À la rigueur, un entrepreneur prospère, de qui se disent plusieurs choses : certaines reluisantes, d’autres, beaucoup moins. Ce genre de personnage m’intéresse très peu.
On en dit tant de choses. J’avais écrit sur une polémique qu’il eut avec son employé, le journaliste Ernest Obama qu’il avait fait humilier : un billet, pas du tout tendre pour lui. Je me basais alors sur des faits connus de tous, que je commentais de ma sensibilité analytique. C’est passé comme passent les affaires sans importance. Les deux hommes se sont séparés, comme je l’avais prédit.
Puis, il y a eu l’affaire : ce roman tour à tour sordide, calomnieux, suspicieux, injurieux, dénonciateur ; tout en intrigues que le drame de Martinez Zogo a causé. Le nom de l’homme est – et c’est peu dire – revenu plus d’une fois au devant de cette scène macabre, scandé par des gens assoiffés de vengeance et qui, pour des motivations qui sont les leurs, voulaient sa peau. J’ai été forcé de reconsidérer l’homme…
Je ne suis ni justicier, ni enquêteur. Analyste de faits sociaux de métier, je m’en tiens à l’abc de ma profession : l’observation des faits. Cette affaire précise débute, selon toute apparence, par une dénonciation de prévarication. Zogo, (qui est peut-être journaliste de métier, mais qui, dans ce cas précis, officie comme lanceur d’alerte), épingle des noms. Des puissants. Là-dedans, Amougou Belinga n’est qu’un nom parmi d’autres.
Ces gens, si l’on en croit ce lanceur d’alerte dont les méthodes déontologiques frisent le règlement de comptes, se seraient constitués en bandes organisées, pour piller les ressources de la fortune publique, domiciliées dans des lignes numérotées du budget national. Pour le dire, il faut le savoir. Donc, avoir des connexions introduites dans des réseaux de connaissances des flux.
Martinez Zogo dit des choses assez grosses ; très précises et plutôt gênantes dont en parler met à nu bien des accointances. Quelqu’un – probablement un autre réseau – le renseigne. Cela étant, on se trouve dans cette lutte féroce de camps que ceux d’en-haut se sont toujours livrée, qui a abouti à des mises à mort très bien orchestrées. Ce qui est jeté dans le débat public possède des ramifications politiques. Martinez, là-dedans, n’est qu’un comparse, qui joue à l’important parce qu’il tient un micro.
Qu’y a-t-il en jeu ? Simplement de l’argent qu’on dépense allègrement parce qu’on a les pieds dans la rivière où il coule ou bien autre chose ; en l’occurrence ce à quoi l’argent sert : acquérir de la puissance ? Le fait est que le chef d’État a simplement demandé un audit des lignes incriminées. Quoi qu’il en soit sorti, celui qui l’a demandé le sait et l’a gardé pour un usage qui n’est pas encore divulgué. Si, prévarication il y a eue, il le sait. Forcément aussi, il suspecte à quoi les ressources détournées sont censées servir.
L’audit n’a rien révélé, ni désarmé aucun des camps : celui que dénonce Martinez et celui qui l’informe où, là-bas aussi, il n’y a pas d’enfants de chœur. Le silence du Grand Sphinx Déguisé, le sachem aux mille ruses est le terreau de l’affrontement. On veut créer l’émulsion : troubler l’eau ; la rendre suffisamment sale pour que les prédateurs ne puissent plus s’y abreuver. Ce contour évoque les guerres de pouvoir. Elles se livrent entre le centre du pouvoir et sa périphérie ; entre ceux qui tiennent la décision et ceux qui contrôlent les ressources.
Les protagonistes, Martinez Zogo et Amougou Belinga ne sont pas – et ne peuvent même pas être – les plus importants dans un jeu pareil. S’ils le jouent, (spéculons), ils sont au mieux, de simples comparses. Le magnat sera ce qu’on appelle en langage technique, un blanchisseur d’argent sale. Et le journaliste, un récupérateur. Les récupérateurs, dans la guerre des gangs, sont ceux qui troublent le business du territoire rival pour pouvoir se l’accaparer. Quand éclatent les hostilités, ce sont les premiers tués.
Ce sont de simples spéculations que la mort brutale et violente de Martinez, hélas, tendent à confirmer. Une enquête est ordonnée. Mais au-delà de savoir qui a tué le zouave du micro, celui qui l’a instruite, le Grand Sphinx Déguisé, lui, s’intéresse au vrai pourquoi. C’est-à-dire à la lutte du pouvoir. Parce que, ne l’oublions pas, c’est de son pouvoir qu’il s’agit. Martinez, dans cette affaire, était entré dans un jeu plus grand que lui : par les acteurs, les intérêts, les motivations, les mobiles et les méthodes.
Ce qui a pris sa vie dans un jeu tel que celui-là, (si c’est ce jeu qui se joue), va bien plus loin qu’un Amougou Belinga ; quel que soit le rôle qu’on voudrait lui attribuer dans la partie. Et tous ceux qui s’émeuvent, vocifèrent ; ces gogos d’un jeu matriciel qui ne savent pas distinguer le réel du virtuel, commentent des détails. L’essentiel est ailleurs.
Martinez Zogo aurait dû se taire. Les lignes numérotées dont il a dénoncé la gabegie existent depuis 61 ans. Elles servent à ce à quoi elles ont toujours servi. À l’officiel et à l’officieux. Leur utilisation garantit des équilibres d’un pouvoir qui se complexifie par des appétits toujours grandissants. Il n’apprenait pas grand chose de nouveau et sa vie ne valait pas ce qu’il a dit. Ceux qui veulentcrient justice pour lui ont d’autres considérations. Ils feraient exactement le même usage de ces lignes s’ils avaient le pouvoir.
Amougou Belinga, lui, peut sourire. Il n’est pas, loin de là, celui qui aurait eu le plus d’intérêt à voir Martinez où il est. Il se savait, en ce cas, le premier suspect. Quiconque accède à la blanchisserie d’un système financier fiduciaire est de facto protégé par le système lui-même. Ceux qui pérorent – de simples braillards – ne peuvent même pas organiser la plus petite manifestation publique. Les chefs Éton sont apparus à la télévision, la queue entre les jambes. L’honorable Libii, le 12 février, se tiendra loin, très loin de l’esplanade du stade Omnisports.
Les branleurs qui le voyaient au SED ? Des branleurs à l’imagination fertile…
La République est bien tenue…
Circulez ! Il n’y a rien à voir… Edouard Bokagne