Opinions

DEMARRAGE DE L’ASSURANCE MALADIE UNIVERSELLE : BLUFF OU ARNAQUE ?

Par Evariste Fopoussi Fotso

Le ministre de la Santé, Manaouda Malachie, vient d’annoncer en grande pompe la semaine dernière le lancement à Bertoua dans la région de l’Est, de la première phase du projet de l’assurance maladie universelle au Cameroun, promis en 2018 par Paul Biya dans son programme électoral. Quel crédit accorder à une telle annonce d’un membre d’un gouvernement qui fonctionne actuellement comme une cour du roi Petaud suite à l’effacement total depuis 2018 de son chef Paul Biya, et surtout qui vient d’un ministre totalement englué dans le grand scandale de détournement des fonds Covid19 qui agite l’opinion depuis deux ans ?

Ensuite, les conditions techniques préalables à une telle annonce sont-elles remplies ? On sait par exemple que pour qu’une couverture sanitaire universelle soit efficace, il est indispensable que les ressources financières nécessaires soient mobilisées. Pour l’instant, avec les multiples difficultés que connait la de trésorerie de l’Etat, ce n’est pas le cas et on ne voit pas comment il peut actuellement mettre en place efficacement un système de paiement des soins de sorte que les camerounais n’aient plus à payer directement de leur poche les prestations couvertes par la couverture maladie universelle.

Ensuite la mise en œuvre d’une couverture sanitaire universelle, suppose la dotation de toutes les régions d’infrastructures sanitaires adéquates, ainsi que la mise à niveau préalable de celles existantes, afin de permettre une prise en charge valable et totale de tous les camerounais couverts. Rien ne bouge à ce niveau jusqu’ici tandis que rien n’est fait pour améliorer leur gouvernance. On a qu’à voir les scandales qui entourent la gestion des hôpitaux actuellement.

De même, il est également important de connaître les protocoles de diagnostic remboursés par l’assurance maladie universelle, ainsi que les protocoles thérapeutiques pris en charge. A ce niveau aussi, rien n’est pas encore clair pour le moment. Par exemple, pour une maladie comme le paludisme, il existe plusieurs diagnostics sur le marché, mais il n’est pas précisé lesquels seront financés par la couverture maladie universelle. De même, il n’est pas précisé quels traitements sont couverts, laissant les patients dans l’incertitude.

Un autre préalable tout aussi important, une loi devrait fixer le cadre juridique de la couverture maladie universelle, mais rien n’a encore été soumise au parlement dans ce sens. Par conséquent, dans l’attente de cette loi et de ses textes d’application, (et Dieu seul sait le temps que prennent souvent ces derniers dans ce pays pour voir le jour), les consultations médicales, les examens de laboratoire et radiologiques, les actes chirurgicaux, les hospitalisations, etc. restent dus dans tous les hôpitaux publics pour les camerounais, selon les dispositions du décret n° 2016/6447/PM du 13 décembre 2016.

Il est également important de souligner que certaines des pathologies présentées dans le cadre de la couverture maladie universelle étaient depuis des décennies déjà prises en charge gratuitement avant le lancement de la couverture. C’est le cas du traitement du paludisme chez les enfants de 0 à 5 ans et le traitement de la tuberculose, du VIH/SIDA, de l’onchocercose, etc.

En somme, le lancement officiel la semaine dernière de l’assurance maladie universelle au Cameroun par Manaouda Malachie, soulève de nombreuses intégrations eu égard aux incertitudes qui pèsent encore sur son effectivité.

Quel était par conséquent le but de l’opération ? Était-ce pour étouffer l’amplitude des révélations contenues dans les deux rapports de la Chambre des Comptes dont le dernier n’est là que depuis deux semaines et qui font de ce ministre l’un des pivots des vastes détournements qui ont entachés la gestion des fonds destinés la lutte conte le covid19 ? Ou alors il fait comme tous ses collègues qui, dans la perspective d’un remaniement ministériel tant attendu depuis des années, mais qui ne vient jamais, passent tout leur temps à visiter ou à inaugurer des chantiers plus ou moins fictifs ou à distribuer des dons de Paul Biya, à l’instar de ses collègues des Travaux Publics ou de l’Administration Territoriale, afin de rappeler à leur « créateur », qui peut-être ignore jusqu’à leurs noms, qu’ils existent encore ?

Les camerounais ne sont pas naïfs et beaucoup d’entre eux sont convaincus qu’il s’agit d’un bluff de plus, juste pour attirer les sympathies de l’opinion dans la perspective des moments difficiles qui s’annoncent à l’horizon.

Par Évariste FOPOUSSI FOTSO – SDF-G27+

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